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Ballancourt-sur-Essonne, Vert-le-Petit, Écharcon, Mennecy
Entre deux rendez-vous à l’hosto et ma première séance de chimio, nécessité de partir marcher,… Je suis bien décidé à reprendre l’écriture et les promenades, c’est-à-dire à ne pas me laisser manger par le monde de la kulture, inculture et vidage des cerveaux en mode spectaculaire, dont la bétise crasse est je pense en partie responsable de mon état… Nécessité vitale de travailler à ma cathédrale intérieure comme disait Bison Ravi. Cela dit, on pourrait aussi considérer la ville comme un cancer, notamment ce fragment de métropole ou ont sévis Valls et Dassault, les environs d’Evry-Corbeil, ville nouvelle cassée et vieillissante ainsi que suburbia néo-faf où se cachent usines de missilles et anciens centres de production de plutonium militaire dans le cadre pseudo bucolique de la vallée de l’Essonne, une version dégradée des bois de Vincennes où on pourrait circuler en voiture dans les allées habituellement réservées au piétons, ambiance base de loisir pour néo-chomeurs adeptes de la pêche à la ligne adossé à la bagnole.
Dès le départ de la balade, je me suis dit que venir me promener ici était un mauvais choix, une erreur, voir un mauvais signe quant à la reprise de mes explorations à grandes mailles, celles que je pratique sans les contraintes du monde débilitant de la culture. Que voulez vous, j’aime bien Pérec, mais je ne serais jamais un Oulipien, jamais un homme de système, ni d’appareil. Et puis, cela fait une paille que je n’était pas partie comme ça au désir quelque part dans le très grand Paris, … Cela date peut être de la publication de mon dernier billet ici ? J’exagère sans doute. Depuis j’ai fais des dizaines de promenades, repérages, balades et ballades, etc. mais pas dans cette liberté que j’ai pris ce mercredi en me déconnectant d’une liste de tâches de toute façon irréalisable. Comme j’expliquais à S. Il faut aussi que je ne sache pas à quelle heure je rentrerais. Je sais d’expérience que les bords de l’Essonne aux environs de Corbeil ont toutes les chances d’être glauques à souhait, alors pourquoi choisir une zone aussi sordide dans ces conditions ?
Arrivée à Ballancourt, deux types avec des looks de vrais malfrats descendent devant moi de la rame du BUPE direction Malesherbes, ils parlent de rallumer leurs portables et brancher le Gps, pour se rendre vite en haut, sur le quai l’un se retourne pour visiblement calculer si je ne les suis pas. Je prends un air détaché. Quelques dizaines de mètres plus loin je rentre hésitant en poussant une porte vitrée sous l’enseigne du Café de la Gare. La table de ce midi n’est pas débarrassée, et malgré un comptoir en petits carreaux années 30, la salle fait plutôt penser à un séjour. Un jeune candidat au djihad en djellaba grise part chercher le patron qui fait des travaux dans l’ancienne salle de restaurant attenante transformé en chambre à coucher. L’ambiance Far West commence à me plaire. Le patron avenant et basané fait genre ancien de la légion ou bien agent de la sécurité égyptienne, mais c’est plus probablement un néo-chomeur de la Snecma toute proche reconverti dans le bistrot. Le bibelot avec quatre têtes de serpents à sonnettes dressées qui entourent un buste de pharaon, installé au dessus du moulin à café, complète ce sommaire portrait fantasmé. Sur la porte en verre, une affiche pour l’exposition d’un ringardissime très médiocre peintre du secteur signale l’ancrage local de la maison. Accroché au faux plafond en BA 13 inachevé, est parfaitement fixé, du matériel d’éclairage dernier cris pour organiser les soirées torrides du coin pendant les travaux, c’est bien.
Malgré cet épisode réconfortant au café, et cette ambiance qui continue grâce à d’autres visages patibulaires, j’ai le sentiment d’avoir mal choisi mon point de chute dès les premières centaines de mètres. Trop de retraités en tenu de randonneurs, et puis lorsque Thierry m’appelle pour m’inviter à une virée rue des Morillons, je lui explique que ici aussi se dégage une atmosphère à la Maigret de canard. Sur le coté gauche de l’avenue de la Gare un petit panneau avec tricolore interdit de prendre en photo le magnifique étang derrière le grillage, mais je n’apprends que maintenant qu’il s’agit de l’ancienne usine du Bouchet, première usine française de raffinage d’uranium, officiellement exploitée de 1946 à 1971, mais nouvellement floutée sur Google. Elle se distingue aussi comme site de production de plutonium à partir du combustible usé de la pile atomique Zoé dès 1949 explique Wikipédia. Si j’avais su cela j’aurais peut-être changé mon itinéraire pour essayer de photographier un transport suspect d’Areva,… À l’inverse, après un fausse route jusqu’au bout d’une digue qui sépare l’étang fleurie du court principal de l’Essonne, je suis le tracé du GR11c. J’ai le sentiment désagréable de devenir un jeune retraité randonneur adepte de cette pseudo nature de la grande couronne.
À ma décharge, je précise que depuis la gare RER de Ballancourt, je n’ai pas de carte détaillée, ce qui, dixit Guy Debord and Co., est indispensable pour se perdre. Sur le petit parking mes discussions au téléphone, m’ont fait oublier l’intention de suivre ce balisage, tracé qui tout particulièrement dans un marais, offre la garantie de pouvoir traverser sans trop de détours. Car j’ai bien l’intention d’arriver à la gare de Mennecy avant la nuit, et ma carte « Michelin n°106″ au 1/100 000 ne permet pas d’identifier chacun des nombreux étangs qui entourent le cours principale de l’Essonne, tandis que l’IGN « 2415 OT Évry Melun » ne commence qu’un peu plus loin, juste avant Écharcon.
La séquence base de loisir goudronnée ne débute vraiment qu’au bout de la digue qui sépare l’étang à Chat et l’étang Fleurie. Je passe la rue du Moutier qui remonte sur le centre de Vert-le-Petit, et laisse à ma droite les ruines du bloc sanitaire d’un ancien terrain de camping sur la berge ouest du marais communal, toujours sur le goudron. Au dessus de cet étang au nord, je tourne à gauche dans la ruelle des Soeurs après être passé au dessus de deux petits canaux dont le premier avait un bon débit. Je remonte le coteau et tourne à droite dans l’impasse de la Fontaine Laveau, toujours en suivant le balisage.
Après plusieurs pavillons sympathiques et bien situés, déjà sorti de cette ambiance glauque, le goudron s’arrête, et le chemin est bordé coté marais par de la grille cadie verte en parfait état. Derrière les grilles, la vraie nature commence, vive la grille cadie,… Plus loin au débouché d’un petit sentier qui descends du plateau une petite borne en bon état signale le sentier de grande randonnée, des directions et distances. Il y a aussi un petit panneau qui dit « Espace naturel sensible Départemental du Marais de Misery ». Je continue tout droit, sur ce chemin des Prés (d’après OpenStreetMap). Mais je reste impatient de pouvoir lire ma progression sur ma carte IGN, je me promets d’acheter rapidement la carte « 2316 ET ».
Je traverse enfin Echarcon, jolie village avec un château peut-être Premier Empire à mi-distance entre la villa Palladienne et La Maison-Blanche, je redescends au plus court en direction de la gare de Mennecy. De chaque cotée de la R.D. 153, très roulante en cette fin de journée, les espaces inaccessibles de l’espace naturel sensible Départemental me rassurent un peu sur le genre humain, le département de l’Essonne à vu grand. Quant celui-ci sera géré par le Front National, ces espaces sensible seront sans doute vendu à des promoteurs de la mafia russe pour installer la nouvelle oligarchie francilienne. Malgré mes jumelles et quelques stations, je n’ai pas réussi à voir le Blongios nain, le plus petit des hérons, dont subsistent ici, parait-il, quelques uns des très rares spécimen d’Île-de-France. C’est bien comme ça, je préfère le laisser tranquille le Blongios,… En entrant dans Mennecy et longeant la ribambelle de boîtes à chaussures faisant office de logements plantés le longs du RER, J’ai vraiment le sentiment de rentrer dans l’agglomération de Corbeil-Evry. Je ne pense pas que l’Insee et ses critères obtus de définition de l’agglomération me contredirait, en tous cas la « Michelin 106″ le confirme on entre dans de la ville aggloméré après un trou de cet hérétique substance péri-urbaine. Un groupe fait de la gym allongés dans l’herbe en surplomb de la route, juste à l’entrée du parc de Villeroy. Une femme du groupe qui aperçoit mon regard curieux me remercie d’aller préparer le diner, ils arrivent très vite,…
Je suis à la gare un peu avant vingt heures. Un train pour Alfortville est annoncé à vingt heures vingt-sept. Il ne fait pas encore nuit, mais le jours décline. Pendant le retour, je réalise que j’attaque vraiment l’exploration des alentours de Corbeil-Evry, avec des secteurs ingrats et des pépites, un fragment du très grand Paris ou la ville se distend, où il faut marcher, revenir plus souvent et croiser les traces pour pouvoir appréhender le phénomène et essayer de le comprendre, relier le quartier des Pyramides à Mennecy par exemple, ou relier Lisses au Coudray. Il y a une situation de stress, une tension nécessaire au bon avancement de l’exploration, et puis un seuil ou les choses se dévoilent, toujours dans une marge, comme aujourd’hui entre l’impasse de la Fontaine Laveau et le chemin des prés, à Vert-le-Petit.
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